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Channel: Grands-parents – Droits des enfants
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Le droit de l’enfant au respect de ses liens (812)

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Voici quelques années, invité par les organisateurs à introduire devant un millier de professionnels un colloque organisé au Palais des Congrès de Lille sous intitulé l’intitulé »Tout se joue avant 3 ans ! » j’avais cru bon de relativiser l’assertion en concluant mon propos par un « Si c’est le cas il faut les piquer à 3 ans! » qui se voulait non moins provocateur et drôle. Ce n’était pas bien sûr pour nier l’importance de ce qui joue dans les premiers temps de la vie, sinon de la vie intra-utérine, mais avoir foi dans les capacités de résilience de tout enfant.

La vie est désormais ainsi faite que les enfants connaitront fréquemment des parcours à rebondissements, et souvent très tôt. Ils n’auront pas nécessairement leurs géniteurs présents autour de leur berceau, débordant d’amour entre eux et liés entre eux par l’engagement du mariage. Plus de 52% des premiers enfants d’un couple naissent hors le mariage et dans 15% des cas la filiation paternelle n’est pas établie. Né de parents présents, mariés ou non, et sa double filiation établie, la fragilité des couples moderne pourra conduire à une séparation, plus ou moins houleuse. Pourront alors apparaitre dans l’univers de l’enfant, par-delà les membres de la famille élargie, des beaux-parents. Parfois plusieurs pourront se succéder selon la vie affective des parents biologiques. Entre 1,5 et 2 millions d’enfants sont concernés par ces recompositions familiales. L’enfant pourra alors être attaché, plus ou moins à l’un ou à l’autre. Quand la tendance sera de le ballotter, tel un objet, l’armoire normande ou le tableau de famille, au gré des conditions de vie de ses parents, il pourra souhaiter se poser, maintenir ou entretenir des liens avec ceux qui lui sont chers. Objectif plus facile à énoncer qu’à tenir.

 En effet le droit des adultes l’emporte encore trop souvent sur celui des enfants. L’enfant demeure plus un objet qu’une personne. Les mots le trahissent encore. Ne parle-t-on pas toujours chez certains de « droit de garde » comme on le fait à l’égard d’un objet quand nous avons eu les soucis depuis les années 80 de parler d’exercice de responsabilité ? Ce n’est pas la garde qui peut être alternée comme l’affirmaient des parlementaires néophytes en 2017, mais la résidence – et encore avec la prudence qui s’impose au cas par cas – dans le cadre d’un exercice conjoint de responsabilité sur l’enfant. Rappelons qu’il a fallu attendre 2007 pour que nous obtenions que soit consacré le droit de l’enfant qui le souhaite d’être entendu par le juge.

Reste que pour qu’il y ait exercice conjoint de responsabilités entre parents comme nous sommes parvenus à le faire consacrer en trois lois (1987, 1993 et 2001) encore faut qu’il que l‘enfant ait déjà une double filiation. Or ce droit n’est toujours pas garanti par la loi. Dès lors, des parents peuvent « s’organiser » pour que la filiation de l’enfant ne soit pas établie l‘égard des deux ou à l’égard l’un d’entre eux. C’est tout simplement le fait qu’un géniteur puisse ne pas être tenu comme père s’il ne reconnaît pas volontairement son enfant et si personne n’intente une action pour le consacrer comme tel. C’est encore la possibilité reconnue comme un droit des mères à accoucher sous » X » – le seul pays en Europe avec le Luxembourg -– au détriment du droit de l’enfant à connaitre ses parents consacré par l’article 7 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant . En d’autres termes, l’enfant n’a toujours pas le droit de s’inscrire dans sa double filiation. Notre droit reste adultocentré. Le parquet voyant passer un acte de naissance sans père devrait recevoir mandat de la loi de défendre les intérêts de l’enfant. On relèvera en contre-point les dispositions de la dernière loi Bioéthique qui étendant a possibilité de recours à la PMA garanti désormais  le droit de l’enfant de connaître l’identité du donneur

Pour autant l’enfant peut s’attacher à ceux qu’il a croisés, a fortiori avec qui il a vécus. Ce pourra donc être un beau-parent ou encore une famille d’accueil de l’aide sociale à l’enfance. La loi – code civil pour la famille reconstitué, CFAS pour l’assistante maternelle depuis 1984 – reconnait la possibilité de faire vivre cette relation, mais elle n’emporte qu’un droit, ni devoir pour l’adulte à l’égard de l’enfant. Nous avons proposé en 2014 (1) qu’il soit dit dans la loi que « celui qui vit habituellement avec un enfant est en droit et en devoir d’exercer à son égard les actes de la vie courante », le parent juridique devant exercer les actes graves. En vain jusqu’ici quand de 6 à 8 millions de français sont concernés par cette situation

Plus que jamais le droit va devoir évoluer pour tenir compte des profondes mutations des comportements matrimoniaux déjà rappelés, mais encore de l’impact du recours aux sciences la vie. Ainsi pour Napoléon il était clair que la mère était la femme qui accouchait d’un enfant. Désormais que doit-on penser quand un enfant nait suite à la fécondation d’une femme par un implantation d’un ovule appartenant à une autre femme : la mère est-elle celle qui a donné l’ovule ? Ou la gestatrice qui a porté le fœtus et accouché. Ou encore celle qui a reconnaît l’enfant comme sien ou est tenu comme tel ? Ou encore celle qui s’est attachée à l’enfant? Tout simplement celle qui l’élève et l’aime comme son enfant ? Ces cinq filiations maternelles, jadis unifiées, sont possiblement aujourd’hui dissociées. Y aura-t-il demain cinq cartes d’identité ?

Vu du côté de l’enfant, pour des raisons à chaque fois personnelles et impénétrables chacun des enfants tiendra ou ne tiendra pas pour essentiel à ses yeux ces différentes couches de vie. En tout cas il nous revient en ne pas l’amputer de l’un ou de l’autre : sa filiation lui apparient autant qu’à ceux qui n’ont généré ; ses affects n’ont pas à être commandés ou encadrés.

J’ai été choqué d’entendre récemment un célèbre psychiatre affirmer péremptoirement qu’il s’opposait à ce qu’un enfant puisse accéder à la connaissance de ces origines. Au nom de quelle superpuissance ? Avec quelle légitimité ? Tout au plus comme thérapeute peut-il conseiller et  surtout  accompagner la révélation d’une certaine vérité, mais d’aucune manière décider de ce qui est bon ou mauvais et s‘opposer à l’exercice d’un droit. L’enfant – aujourd’hui une fois devenu majeur – exercera son droit comme bon lui semblera.

On voit donc que comme nous le proposions, avec d’autres, il y a matière à mettre notre droit à jour sur la filiation pour consacrer à la fois le droit pour chacun à la connaissant des origines et le droit à voir reconnu la ou les filiations d’attachement. Bref, le droit de l’enfant d’être consacré dans son altérité et son unité. Il a le droit aussi à des adultes de référence qui lui permettent de grandir. Trop d’enfants fréquentés au tribunal pour enfants en manquent. Certains enfants débordent d’adultes de référence ; d’autres en manquent cruellement.

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De la même manière, plus que jamais il est essentiel que l’enfant ne pâtisse pas de l’échec du couple conjugal qui se désagrège (2). Certes toutes propositions gardées ces séparations de couples mariés ou non sont aujourd’hui moins conflictuelles, donc moins traumatiques qu’elle l’étaient au temps jadis. D’abord parce qu’elles se sont banalisées, mais aussi parce que nous avons garanti par la loi que le parent qui ne vivrait pas au quotidien avec l’enfant n’en serait pas privé. Il conserve ses responsabilités, et pas seulement ses droits.

On est sorti du quitte ou double devant le juge aux affaires familiales (JAF) où une vie (de parent) se jouait. Là-encore ce n’est pas banaliser, vu du côté de son côté l’effondrement pour l’enfant de son univers. Avec le risque de perdre ses repères, son école, ses copains, ses frères et sœurs, oncles et tantes ou grands-parents. Ce traumatisme peut être violent et s’inscrire sur la durée ; il faut donc le relativiser en se plaçant de son côté. Il s’agit de consacrer son droit d’entretenir des relations avec ceux qui lui sont chers. On pourrait aussi imaginer qu’il puisse saisir lui-même le JAF sur le déroulé de la séparation et la mise en œuvre de la décision de justice qui finalement le concerne autant que ses parents. Il a intérêt à agir. C‘est ce que nous proposions là encore dans notre rapport en 2014. Dommage de n‘avoir pas été suivi.

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On peut , on doit donc faire évoluer la loi sans la révolutionner désormais, sur de nombreux points. Cela suppose déjà d’avoir fait évolué le logiciel qui reste encore trop centré sur les droits des adultes. Il ne s’agit pas d’opposer droit des enfants et droits des adultes, mais de prendre réellement en compte l’intérêt de l’enfant (art. 3 de la CIDE reconnu d’application directe par le Conseil d’Etat).

Et déjà de ne plus identifier les rapports enfants-adultes par le seul mot d’autorité parentale. Parlons plutôt de responsabilités sachant que la vie fera en sorte de les inverser le temps passant : les enfants seront un jour responsables de leurs « vieux » parents ! Parfois plus tôt que prévu. Observons qu’il ne peut y avoir de responsabilité que s’il y a une mission et un pouvoir. La mission est claire sous nos cieux : veiller à la protection et à l’éducation de l’enfant pour répondre à ses besoins ajoute désormais la loi. Le pouvoir tient dans l’autorité qui permet à celui qui en a l‘exercice de contraindre l’enfant. On le voit : on ne peut plus continuer à réduire le rapport parents-enfants à ce seul pouvoir. Même si depuis 1970 on est passé de la puissance paternelle à l‘autorité parentale on demeure encore dans ce même registre. Là encore on est ramené à m’image qu’on se fait de l’enfant : on a du pouvoir sur une chose ; on a des responsabilités à l’égard d’une personne.

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On voit donc l’enjeu des 1000 premiers jours, mais aussi au-delà : garantir à tout enfant des adultes en situation de responsabilités veillant sur lui pour repondre ses besoins et soucieux de ne pas le pénaliser des soubresauts de la vie auxquels il n’est pour rien. Le sang pour important ne commande pas tout.

Reste un détail aujourd’hui majeur: non seulement il faut identifier qui fait quoi sur l’enfant et veiller à le faire savoir à chacun, parents ou non, mais il faut encore veiller à ce que les conditions soient réunies qui permettent aux enfants de voir leurs parents et ceux qui lui sont chers exercer leurs responsabilités, et tout simplement être présents dans son univers. Or force est de constater que tous les dispositifs de soutien à la parentalité sont en difficulté pour ne pas dire en crise ; la PMI, la psychiatrie infantile, la pédiatrie elle-même, la maison du handicap. Trop de parents sont abandonnés à leur sort ; trop d’enfants sont délaissés auprès de parents en grande difficulté.

Il ne suffit pas d’adapter la loi ; il faut encore en réunir les moyens nécessaires pour son respect.

Un beau programme.

 

  • « De nouveaux droits pour les enfants ? Oui, dans l intérêt de la démocratie », janvier 2014, président JP Rosenczveig, rapporteur D Youf
  • En moyenne autour de 5 ans et quart

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